Qui s’intéressait à la micro-informatique dans les années 80 ne pouvait pas ne pas connaître Hebdogiciel. Le style de ce journal était très différent de ce qui existait à l’époque. C’était un mélange de Charlie Hebdo et de Canard Enchaîné. Anticonformiste, ce journal dénonçait notamment les pratiques commerciales de l’époque. Sa liberté de ton lui vaudra une ribanbelle de procès.
Mais avant tout, le succès, l’HHHHebdo le devait à son concept : procurer des listings de programmes aux propriétaires de micro. En effet, il n’était pas rare en ces temps reculés d’acheter un micro-ordinateur pour constater que quelques mois plus tard, le fabricant avait disparu. Quand on a déboursé parfois jusqu’à 6000F (915€) pour s’offrir une machine mort-née, sans SAV et surtout sans logiciel, on est bien content de trouver un journal rempli de listings que l’on s’empresse de taper pour animer son écran.
Il est vrai que bon nombre de ces programmes étaient buggués ou inintéressants. Mais en les recopiant, on apprenait les mécanismes de la programmation.
Et puis il y avait les Deuxlignes (des programmes de seulement deux lignes) et les Bidouilles-Grenouilles, rubriques où l’on trouvait des astuces pour tricher aux jeux ou pour les déplomber. Il s’agissait de faire des copies-cafés, c'est-à-dire une copie (légale) de sécurité au cas où il vous viendrait à l’esprit d’asperger votre cassette ou votre disquette originale… Et puis les dessins de Carali…
Voici quelques exemples de couvertures.
Dans le numéro 108, l’HHHHebdo dénonce les pratiques commerciales d’IBM qui brade ses PC pour se renflouer.
Dans le numéro 117, c’est Amstrad qui en prend plein son grade. Le constructeur britannique peine à fournir la demande française. De plus les revendeurs se plaignent du SAV et il est impossible de trouver des disquettes vierges (3 pouces) sur tout le territoire à quelques exceptions près mais au prix fort : 60F (9,15€).
Le numéro 138 fait l’effet d’une bombe. Il annonce la sortie imminente d’un nouvel Amstrad pourvu de 512ko de RAM et surtout d’un lecteur de disquette 5"1/4 (ces disquettes "floppy" étant bien moins onéreuses que les 3").
La semaine suivante, démenti dans le numéro 139. Il s’agit d’un fake. Amstrad a moyennement apprécié la plaisanterie et (une fois de plus) a attaqué le journal. Cette annonce lui aurait coûté très cher, les ventes ayant brutalement chuté parce que les acheteurs attendaient la sortie de l'hypothétique nouvelle machine.
Allez, une dernière, dans le journal numéroté 94 à 97 en 1985, le titre est sans appel : l’informatique c’est de la merde ! L’HHHHebdo dénonce le marché naissant de la micro informatique et le marasme dans lequel il s’enfonce. On a fait acheté aux familles des ordinateurs en leur disant qu’avec elles pourraient gérer leur budget, apprendre, programmer et jouer. En fait la plupart des gens n’ont fait que jouer. Les programmes éducatifs sont insignifiants. Gérer un budget sur micro, c’est infaisable. Pensez-vous, il faut charger le programme, puis les données, entrer les nouvelles données puis sauvegarder. Tout ça sur cassette ! Quant à la programmation, à part quelques passionnés, le commun des mortels ne s’y est pas risqué…
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1 commentaire:
Excellent cet article, bravo !
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